LA BLANCHEUR DES MINARETS

By Elyë jeudi, septembre 04, 2014 ,

L'Allée des Conteurs est une communauté d'auteurs, dédiée aux genres de l'imaginaire. Je l'ai découverte tout récemment, j'ai flashé sur leur site et je me suis inscrite sur leur forum. J'ai alors découvert qu'ils proposaient des petits défis scripturaux auxquels j'ai décidé de participer. Le défi en lui-même est entièrement automatisé. Le chaudron vous propose 3 mots à placer dans un texte court, un drabble, de longueur obligatoirement inférieure à 1000 mots. Pour cette première fois, le chaudron m'a proposé un objet : l'iris, une émotion : l'hystérie, et une couleur : le marron. Vous voulez voir ce que ça a donné ?

Crédits inconnus
A travers les branchages, il observait les alentours. Pas le moindre bruit, en dehors des pépiements des oiseaux, et des grattements des petits insectes sous les aiguilles de pin. Pas le moindre mouvement, pas même celui des feuilles agitées par un vent totalement absent. C’était comme si la nature elle-même s’était figée, par respect ou crainte de ces lieux. Au centre de la clairière, les ruines du vaste bâtiment étaient d’une blancheur immaculée bordée de mauve, le mauve des iris qui proliféraient dans la clairière. Les minarets qui surmontaient cette impressionnante construction devaient dominer toute la forêt, et pourtant ils étaient invisibles avant qu’on n’en arrive au pied.

L’ensemble dégageait une impression de grandeur passée, qui le rendait nostalgique. Sur le parvis, une fontaine à oiseaux, et une jeune fille nue, aux longs cheveux auburn qui la couvraient pudiquement, buvait dans le bassin, lapant l’eau comme un animal, à la manière d’un loup. Elle était belle comme le jour. Elle releva brusquement la tête et scruta le sous-bois de ses yeux marron clair, comme si elle avait perçu une présence, s’était sentie observée. Puis lentement, elle recula dans l’ombre du patio, hésita encore une seconde et disparut derrière les doubles battants d’une porte éternellement ouverte.

Il patienta quelques minutes, aux aguets, puis écartant du bras les branches derrière lesquelles il se trouvait soigneusement tapi, il se risqua à faire un pas en avant. Il se figea immédiatement comme si ce simple mouvement avait pu suffire à déclencher l’apocalypse. Mais rien ne bougeait dans la clairière, le temps semblait s’y être suspendu depuis de nombreuses années. Il savait qu’il n’en était rien cependant, et il reprit sa marche chancelante. Il sentait monter la rage en lui, cette espèce d’hystérie qui lui donnait envie d’arracher ses vêtements en déjà bien triste état, et de laisser exploser sa colère en hurlant à la lune. Il n’en fit rien.

Il atteignit la fontaine à oiseaux. Les petits volatiles l’avaient désertée dès qu’il s’était remis en mouvement, et il l’avait pour lui seul à présent. Il étancha longuement sa soif à son tour, tout en guettant la moindre présence, puis s’avança vers la porte. Un vertige le prit sur le seuil, et il dut s’appuyer au chambranle le temps de se maîtriser. Il avait mal partout, aux articulations, et dans les os aussi, comme s’ils s’étaient brusquement mis à pousser. Il dut prendre le temps d'inspirer et expirer longuement, jusqu’à ce que le décor cesse de danser autour de lui. Enfin, il s’engagea dans la sombre galerie qui longeait tout le bâtiment, à gauche, les yeux braqués droit devant lui. Il ne semblait pas y avoir âme qui vive.

C’était le territoire des ombres. Les minces rayons de lune qui traversaient les vitraux sur sa gauche ne faisaient qu’accentuer l’aspect mystérieux du lieu. De part et d’autre de la galerie, dressées sur leur piédestal, des statues de marbre blanc représentant des jeunes femmes nues, aux longs cheveux qui leur battaient les reins, très semblables à celle qu’il avait aperçue en arrivant… Quel était cet endroit ? Il n’en avait pas la moindre idée, mais il dégageait quelque chose de beau, de pur, et d’effrayant en même temps… La douleur lui cisailla de nouveau les reins, et il tomba à genoux.

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