L'ARCHE DE NOE

By Elyë jeudi, janvier 22, 2015 ,

L'Allée des Conteurs est une communauté d'auteurs, dédiée aux genres de l'imaginaire, communauté sur laquelle je me suis tout d'abord inscrite en tant que lectrice. Et puis le dynamisme ambiant et la sympathie générale ont fini par me pousser à prendre la plume plus régulièrement à mon tour. Après quelques petits drabbles déjà publiés ici, voici donc une nouvelle élaborée en collaboration avec mon fils auquel elle est dédiée, un soir, autour de la table du dîner familial...

Crédits inconnus

Il ouvrit brusquement les yeux et le son jaillit en même temps que l’image. Un son, ou plutôt des sons, qu’il produisait lui-même. Les hurlements hystériques d’une personne que l’on contraint à faire quelque chose qui va à l’encontre de ses désirs, quelque chose de terrible. Il était allongé sur une surface relativement dure. Au-dessus de lui, trois silhouettes floues dont deux l’empêchaient de se relever tandis que la troisième lui injectait une solution sans aucun doute destinée à le calmer. Ou à tout autre chose, pour ce qu’il en savait… Il se débattait comme une furie, les tendons saillant dans le cou, les membres aussi rigides que de la pierre, sans réussir à se libérer, à se soustraire au terrible traitement qu’on cherchait à lui administrer, quel qu’il soit.

Errant encore dans les brumes du sommeil artificiel, il renonça à lutter pour se rappeler, et ferma les yeux. Le calme retomba dans le caisson entrebâillé. Il dériva un moment dans une torpeur apaisante. Combien de temps au juste ? Il aurait été incapable de le dire, mais le panneau de contrôle dont les loupiotes luisaient faiblement à côté de sa tête était sans appel : près de trois heures. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était 01:16. Les mêmes souvenirs violents l’assaillirent immédiatement, et son cœur se mit à battre à grands coups précipités entre ses côtes. Sa respiration s’accéléra sous l’effet de la panique, mais il se remémora malgré tout quelques mots.

- Calme-toi ! Il ne sert à rien de t’agiter de la sorte, vous avez été désignés par l’Alliance, spécifiquement et pour des raisons qui leur appartiennent. C’était ce que prévoyait le référendum, les douze élus seraient envoyés là-bas. La survie de l’espèce humaine est entre vos mains, Noé, tu devrais en être fier… Allez, calme-toi.

Des bribes de souvenirs lui revenaient lentement. La Terre… Ils avaient réussi à anéantir la planète mère, avec tous leurs engins de malheur. Les grandes cités du XXIe siècle s’étaient peu à peu transformées en un no man’s land où même les cafards, pourtant réputés être les créatures les plus résistantes de la planète, ne survivaient plus qu’avec difficulté, dévorant tout sur leur passage. Les campagnes elles-mêmes, jadis verdoyantes, n’étaient plus qu’une succession de cratères débordant d’ordures nauséabondes. L’air était devenu de plus en plus irrespirable, les allergies s’étaient vite multipliées, puis transformées en véritables maladies qui tuaient.

Plusieurs missions spatiales avaient décollé dans la seconde moitié du XXIIe siècle. Après avoir détruit la Terre par leur inconséquence, il leur fallait une nouvelle terre d’accueil à coloniser. Et en l’an 2273, l’une d’entre elles était enfin revenue… Tous les êtres humains à son bord étaient morts depuis belle lurette, ils étaient tombés en poussière quand on avait cherché à les déplacer, réduits à néant. Mais les données informatiques, elles, avaient traversé l’espace et le temps pour revenir jusqu’à eux. Il y avait bien une planète, dans une galaxie qu’on avait appelée Deoxys, qui semblait propice au développement de la vie. Mais même s’il piquait du nez, on n’abandonnait pas le navire avant qu’il ne coule sans s’assurer du bon état des canots de sauvetage, n’est-ce pas ?

Ainsi, l’Alliance avait-elle décidé, suite à un référendum rondement mené et probablement truqué, d’une nouvelle expédition à l’autre bout de l’univers, vers cette mystérieuse planète verte. Une mission spatiale d’un genre nouveau, à laquelle devaient participer douze explorateurs, garçons et filles, âgés de 14 à 21 ans, désignés par tirage au sort, et plongés dans un sommeil artificiel longue durée dont ils ne sortiraient qu’une fois leur navette positionnée en orbite de ladite planète. C’était facile de voter OUI quand la possibilité d’être sélectionné restait purement théorique, mais soudain, quand c’était son propre nom qui sortait du chapeau, les choses prenaient brusquement un aspect un petit peu plus concret, et nettement moins drôle !

Ses paupières se faisaient lourdes. Ses yeux se fermèrent bientôt, et Noé plongea à nouveau avec délice dans les brumes de l’inconscience, bien décidé à y trouver l’oubli.

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